La culture du safran

Il s’agit d’une plante vivace à bulbe de la famille des iridacées dont la floraison est automnale. Puisque la fleur de safran ne produit pas de graines viables, elle dépend de l’intervention humaine pour sa survie et sa reproduction.

De couleur variant du violet pâle au mauve foncé (exceptionnellement de couleur blanche), la fleur est composée de trois pétales et trois sépales. Les trois étamines, d’un jaune vif, sont en vis à vis des sépales. Le pistil est composé d’un style allongé et terminé au niveau de la fleur par trois stigmates de couleur rouge vif. Le safran est uniquement constitué de ces stigmates séchés.

Le crocus Sativus étant une variété hybride, la reproduction sexuée de la plante est impossible. La multiplication de l’espèce ne se fait donc que par reproduction végétative ou division du bulbe. Ce qui signifie que tous les safrans du monde partagent le même patrimoine génétique et seraient issus d’un bulbe unique.

Plante à végétation inversée, la fleur de safran fleurit à l’automne et développe son feuillage de la floraison à la fin du printemps pour ensuite entrer en dormance pour tout l’été. Ce repos végétatif dure jusqu’à la fin août.

Les bulbes de « Crocus Sativus » se plantent en juillet et jusqu’à la mi-août, pendant la période de dormance. Dans les régions plus au sud, on peut poursuivre la plantation jusqu’à la première semaine de septembre. Une plantation tardive ne permet pas un enracinement suffisant pour assurer la floraison dès le mois d’octobre suivant. La plantation se fait manuellement, à la houe, après avoir bien pris soin de préparer la terre.

Vers la fin août, lorsque la température nocturne reste sous 17 degrés, les bulbes se réveillent. La période de floraison débute après la 3ème grosse pluie d’automne. Les premières fleurs commencent à sortir lorsque la température nocturne atteint au plus 8 degrés. La période de floraison s’étend sur 4 à 6 semaines, entre le début octobre et la fin novembre avec une pointe vers la fin octobre.

La fleur de safran sort de terre protégée par une fine gaine blanche rappelant la soie. Elle perse la gaine puis s’épanouit à l’ensoleillement et meurt en 24 à 48 heures. S’il pleut, elle reste fermée et attend l’éclaircie pour s’ouvrir. Elle sort avant le feuillage ou accompagnées de feuillage, selon le sol. Cette floraison, aussi subite que magique, est le bonheur de tout safranier.

Instant magique… Les durs labeurs de l’été et les longues heures de récolte à venir sont oubliés, l’espace d’un instant, à la vue de ces petites pousses encore refermées et ces fragiles petites fleurs mauves qui se dressent fièrement pour s’épanouir sous nos yeux révélant leur précieux trésor. Un moment de bonheur tous les matins d’automne à l’aube, quelques minutes d’allégresse avant de débuter la récolte, qui sera longue et laborieuse.

Les fleurs sont cueillies au matin dès l’évaporation de la rosée, une à une, manuellement. Durant la cueillette, les fleurs sont déposées dans des paniers qui sont apportés à l’atelier où nous procédons à l’émondage et au séchage des pistils. Si de nouvelles fleurs apparaissent au courant de la journée, une seconde cueillette sera effectuée en fin d’après-midi.

L’émondage consiste à écarter les corolles, saisir délicatement le pistil et le couper juste avant le style de couleur blanc, à hauteur de l’orangé, autant que possible sans séparer les 3 stigmates.

Le séchage est l’étape la plus importante et la plus délicate de la récolte puisqu’elle détermine la qualité du safran. Plusieurs méthodes sont employées par le monde, au four électrique, au four à gaz ou au bois, en séchoir à pollen, à l’air libre, abrité ou non du soleil, etc. Nous utilisons la technique de séchage rapide par apport de chaleur, par petite quantité, afin de préserver la couleur, la saveur et les arômes. Après le séchage, les pistils doivent être légers, raides, presque cassants et de couleur rouge sang.

La conservation du safran se fait dans de petits pots, préférablement en verre. La qualité du safran s’altère rapidement en présence de lumière ou des agents oxydants de l’air. C’est pourquoi les récipients doivent être hermétiques, en verre plutôt qu’en métal, carton ou plastique. Les bouchons de liège naturel ne laissent pas passer l’oxygène, alors que les bouchons de plastique ou de métal provoquent une oxydation rapide et brutale de l’épice.

Toutes les étapes de la récolte doivent être réalisées le jour même de la cueillette. Ces opérations sont répétées tous les jours durant la période de floraison et malgré le travail acharné que ça implique, la joie de vivre règne dans l’atelier parfumé des vapeurs de safran, qui même naissant, dispose à la joie et à l’euphorie.

Le feuillage se développe un peu avant, pendant ou tout juste après la floraison automnale alors que la plante entre dans sa période de croissance. Elle produira de 3 à 10 nouvelles bulbilles qui atteindront la taille leur permettant de produire des fleurs en 1 à 2 ans. Jusqu’en mars, ils accumulent des réserves et ont besoin de basses températures pour ce faire. Au printemps, les nouveaux bulbes et bulbilles grossissent, le bulbe mère se dessèche, leur laissant la place. En juin, avec les premières chaleurs, le feuillage se fane et les plantes entrent dans leur période de repos végétatif.

Le bulbe de safran se cultive aisément dans le climat québécois. Il y est confortable en toute saison, le refroidissement de la terre à l’automne étant responsable de déclencher sa floraison, le froid de l’hiver étant nécessaire à sa croissance, les pluies du printemps à sa reproduction et les températures estivales le tenant bien au chaud pendant son repos végétatif. La fleur de safran est unique, et elle aime le froid, qui la fait fleurir alors que les autres fleurs sont fanées depuis longtemps.